Rupture brutale d'une relation commerciale établie: nos conseils pour obtenir réparation de votre préjudice
Manon Francispillai
avocate associée
"Un partenaire commercial a rompu la relation d’affaires qu’il entretenait avec votre société sans vous accorder le moindre préavis pour vous permettre de vous retourner ?
Votre entreprise est peut-être victime d’une rupture brutale de relations commerciales établies.
Si c’est le cas, vous pouvez obtenir une indemnisation pour compenser l’absence de préavis et faire face à la brutalité de la rupture. Pour chiffrer votre préjudice et connaître vos chances de succès dans le cadre d’une action en responsabilité, contactez notre cabinet d’avocats rompus au contentieux de la rupture brutale de relations commerciales établies."
1. La caractérisation de la rupture brutale de relations commerciales établies
a. L’existence d’une relation commerciale et son caractère « établi »
b. La rupture de la relation commerciale et les circonstances entourant cette rupture
2. La réparation du préjudice consécutif à une rupture de relations commerciales établies
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La rupture de relation commerciale : quel type de rupture est pris en compte ?
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Le caractère « brutal » de la rupture : l’absence de préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et d’autres circonstances au moment de la rupture
a. Le préalable au chiffrage du préjudice : la fixation de la durée du préavis raisonnable
b. Le préjudice réparable : la perte de marge sur coûts variables
3. Le rôle de l’Avocat en droit des affaires dans le contentieux de la rupture de relations commerciales établies
1. La caractérisation de la rupture brutale de relations commerciales établies
Consacrée au rang des pratiques restrictives de concurrence sanctionnée depuis la loi « Galland » du 1er juillet 1996, la rupture brutale de relations commerciales établies sanctionne la rupture, par un partenaire commercial, d’une relation commerciale, sans préavis ou sans préavis suffisant tenant compte de la durée de la relation d’affaires.
La responsabilité de l’auteur d’une rupture brutale de relations commerciales établies est engagée sur le fondement de l’article L442-1, II du Code de commerce :
"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure."
Pour obtenir gain de cause dans le cadre d’une action en responsabilité pour rupture brutale de relations commerciales établies, il convient donc de démontrer l’existence d’une relation commerciale (a.) et de caractériser la rupture brutale de celle-ci (b.).
a. L’existence d’une relation commerciale et son caractère « établi »
La relation commerciale établie visée à l’article L442-1 II° du Code de commerce s’entend au sens large.
En effet, celle-ci n’est pas limitée à une relation contractuelle formalisée par l’existence d’un contrat écrit. Une relation commerciale est donc une notion plus économique que juridique, et peut être établie malgré l’absence de contrat écrit, ou bien lorsqu’elle s’est poursuivie au-delà du terme d’un contrat écrit.
La relation commerciale établie peut être caractérisée lorsqu’il existe un contrat à durée indéterminée, en cas de succession de contrats à durée déterminée ou encore en cas de succession de contrats à exécution instantanée. Le fait que des contrats soient indépendants les uns des autres, mais passés entre les mêmes parties n’exclut pas que soit constatée l’existence d’une relation commerciale établie.
De même, la poursuite « informelle » de relations commerciales postérieurement à la cessation d’un contrat n’exclut pas la caractérisation d’une relation commerciale établie.
Enfin, si une relation commerciale se poursuit avec un changement de partenaire commercial (ex : changement de société, mais poursuite de la relation commerciale initiale), il est possible de caractériser la poursuite de la relation commerciale avec une nouvelle entité. Il faudra toutefois démontrer la volonté des parties de s’inscrire dans la continuité de la relation initiale.
La Cour de cassation a en effet jugé que « la seule circonstance qu'un tiers, ayant repris l'activité ou partie de l'activité d'une personne, continue une relation commerciale que celle-ci entretenait précédemment ne suffit pas à établir que c'est la même relation commerciale qui s'est poursuivie avec le partenaire concerné, si ne s'y ajoutent des éléments démontrant que telle était la commune intention des parties ». (Cass. com., 10 févr. 2021, n° 19-15.369).
En conclusion, il faut retenir que la relation commerciale est établie dans le cas où « la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial ». (Cass. Com. 16 décembre 2008, n°07-15.589).
Les tribunaux analysent donc la croyance légitime de la victime de la rupture dans la pérennité de la relation. Cette « croyance légitime » résulte d’un faisceau d’indices, parmi lesquels, notamment, la durée, la continuité et surtout la stabilité de la relation commerciale.
Il est donc important de préparer un dossier argumenté avec l’accompagnement de votre avocat pour convaincre le Tribunal qu’une relation commerciale établie est bien caractérisée.
b. La rupture de la relation commerciale et les circonstances entourant cette rupture
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La rupture de la relation commerciale: quel type de rupture est pris en compte ?
La rupture de la relation commerciale établie peut s’entendre d’une rupture totale ou partielle du courant d'affaires.
La rupture totale est caractérisée par exemple lorsqu’il y a résiliation d’un contrat à durée indéterminée, résiliation anticipée d’un contrat à durée déterminée ou encore non renouvellement d’un contrat à durée déterminée arrivé à son terme.
Mais la rupture peut également être partielle. Il s’agit du cas d’une relation commerciale qui perdure sur certains points, mais dont l’économie générale de la relation se trouve bouleversée. En jurisprudence, on parle souvent de modification « substantielle » de la relation commerciale.
Exemples de rupture partielle de relations commerciales établies :
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Baisse des commandes (avec baisse significative du chiffre d’affaires), sauf à être justifiée objectivement par la conjoncture économique ou le désintérêt des consommateurs pour le produit ou le service ;
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Modification des tarifs ou des remises;
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Modifications d’éléments non financiers de la relation commerciale (perte de la qualité de distributeur quasi exclusif, retrait d’une exclusivité territoriale…)
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Le caractère « brutal » de la rupture : l’absence de préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et d’autres circonstances au moment de la rupture
Attention, ce n’est pas la rupture de la relation commerciale qui est sanctionnée, mais bien sa brutalité. Ce qui est reproché à l’auteur d’une rupture brutale de relation commerciale c’est de ne pas informer suffisamment son partenaire commercial de sa volonté de mettre un terme à la relation commerciale, et surtout de ne pas lui laisser suffisamment de temps pour anticiper les conséquences de la rupture.
La jurisprudence qualifie nécessairement de brutale la résiliation à effet immédiat d’une relation commerciale dès lors que celle-ci est injustifiée, même si les parties essayent ultérieurement de s’entendre sur une résiliation amiable (Cass. Com. 20 mars 2012, n°11-12.520).
La question qui se pose est donc la suivante : l’auteur de la rupture a-t-il prévenu suffisamment en amont son partenaire commercial de sa volonté de mettre un terme à la relation ? Et si oui, le délai de prévenance était-il suffisamment long eu égard à la durée de la relation commerciale ?
Pour répondre à cette question, il faudra notamment vérifier l’existence ou non d’un préavis écrit, et la durée du préavis.
À noter que depuis la loi du 24 avril 2019, un préavis de 18 mois accordé par l’auteur de la rupture est nécessairement qualifié de suffisant par les tribunaux de sorte qu’une responsabilité sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies devra être écartée si le préavis accordé est d'au moins 18 mois.
La durée du préavis minimum s’apprécie au moment de la notification de la rupture. Autrement dit, les évènements qui interviendraient après la rupture et qui seraient susceptibles d’affecter la victime de la rupture, de manière positive ou négative, ne doivent pas être pris en compte par le juge lorsqu’il statue sur la durée du préavis.
L’analyse de la jurisprudence montre que le délai de préavis accordé est très variable selon chaque dossier et que l’état de dépendance économique de la victime entre en jeu. En effet, si la dépendance n’est pas une condition d’application du texte, elle joue cependant lorsque la preuve de son existence est rapportée.
Dernier point important à noter : le préavis, lorsqu’il est accordé, doit être un « vrai » préavis, pendant lequel les conditions contractuelles préalables sont maintenues. Pas question en effet de modifier les conditions de la relation contractuelle pendant le préavis ou de réduire drastiquement le courant d’affaires.
Enfin, un axe de défense de l’auteur de la rupture brutale de relations commerciales établies peut être de faire état de l’inexécution, par l’autre partie, de ses obligations, ou d’opposer la force majeure. Il s’agit en effet, selon le code de commerce, de deux causes d’exonération de responsabilité, sous réserve bien entendu d’être démontrées.
2. La réparation du préjudice consécutif à une rupture de relations commerciales établies
a. Le préalable au chiffrage du préjudice : la fixation de la durée du préavis raisonnable
La rupture brutale de relations commerciales établies ne crée pas toujours un préjudice pour le partenaire commercial délaissé. Il faut donc rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice afin que la demande en réparation puisse être favorablement accueillie par les juges.
La réparation qui pourra être accordée à vocation à compenser le dommage subi non du fait de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de la rupture.
La Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que : « seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même » (Cass. Com. 11 juin 2013, n°12-20.846). Le dommage doit donc être en lien direct avec la rupture.
Les tribunaux vont donc évaluer le préjudice en fonction de la durée du préavis jugé nécessaire.
La première étape pour chiffrer le préjudice est donc de chiffrer la durée du préavis que la victime de la rupture de la relation commerciale était en droit d’attendre.
La Cour de cassation a rappelé qu’il convient de préciser la durée du préavis justifié suffisant et de ne pas se contenter de faire référence à la durée du préavis raisonnablement exigible (Cass. Com. 8 avril 2014, n°13-15.410).
b. Le préjudice réparable : la perte de marge sur coûts variables
Une fois la durée de préavis qui aurait dû être respecté fixé, il faut calculer le montant de l’indemnisation qu’est en droit d’attendre la victime de la rupture de la relation commerciale.
Les juges indemnisent généralement la victime de la perte de marge brute pendant toute la durée du préavis qui aurait dû être respecté. Pour de la vente de produits, il conviendra donc de prendre en compte le prix de revente des produits, diminué du prix d’achat. Pour des prestations de service, c’est le chiffre d’affaires, diminué des différents frais, dont il faudra tenir compte.
Toutefois, faisant une application plus stricte et plus « juste » du préjudice réel, la jurisprudence tend à aller vers une généralisation de l'indemnisation de la seule perte de marge sur coûts variables.
Au-delà du manque à gagner, la victime peut demander une indemnisation au titre des frais et investissements engagés par elle. Il faut cependant que ces frais aient été engagés en raison de la pérennité attendue de la relation commerciale.
Il est également possible d’invoquer un préjudice d’image ou de désorganisation. Là encore, il conviendra pour la victime de prouver que le dommage dont elle demande réparation est la conséquence directe de la brutalité de la rupture.
3. Le rôle de l’Avocat en droit des affaires dans le contentieux de la rupture de relations commerciales établies
Ce type de contentieux est assez technique, et nécessite de faire appel à un Avocat qui a l’habitude des contentieux d’affaires et qui a une parfaite maîtrise de la procédure civile.
Le rôle de l’Avocat dans cette matière est tout d’abord d’accompagner son client dans la caractérisation de chacune des conditions de la rupture de relations commerciales établies : la relation commerciale, son caractère établi, la brutalité de la rupture…
Sur l’existence d’une relation commerciale, et lorsqu’aucun contrat écrit n’a été signé entre les parties, le rôle de l’Avocat va être notamment de réunir tous les éléments permettant de démontrer sans contestation possible qu’il y a bien eu un courant d’affaires pendant plusieurs années.
Une fois la relation commerciale établie, il conviendra de démontrer la rupture de la relation, et surtout son caractère brutal.
En effet, la rupture peut être implicite et résulter d’une baisse drastique des commandes.
Notre Cabinet mettra tout en œuvre pour apporter au Tribunal un maximum d’éléments pour démontrer la réalité de votre préjudice.
Enfin, l’Avocat va travailler en collaboration avec l’expert-comptable de l’entreprise victime pour chiffrer précisément le préjudice subi et notamment la perte de marge sur coûts variables. Sans un chiffrage précis de votre préjudice, le Tribunal risquerait de rejeter votre demande, estimant que celle-ci n’est pas assez étayée.
C’est pourquoi il est important de faire appel à un Avocat qui maîtrise les aspects juridiques et également comptables du dossier.
Une fois le dossier complet établi, notre Cabinet vous proposera de régler le litige amiablement en débutant par l'envoi d'un courrier d'avocat mettant en demeure votre cocontractant de vous régler une somme permettant de compenser votre préjudice.
Si aucune solution amiable n'est envisageable, nous vous représenterons avec combativité devant le Tribunal pour que vous puissiez obtenir gain de cause.