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Contrat conclu avec une société en formation: attention au formalisme !

Commentaire de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 10 février 2021 (Cass. com. 10 février 2021, n°19-10.006)


Le principe qui gouverne en droit des sociétés est qu'une société n'acquiert la personnalité juridique qu'à compter du jour où elle est immatriculée (article 1842 du Code civil).


Toutefois, et pour les besoins du démarrage de son activité, une société a généralement besoin de conclure des actes préparatoires avant son immatriculation (bail commercial, ouverture d'un compte bancaire, acquisition d'un fonds de commerce…).

C'est pourquoi, et par exception, les articles 1843 du Code civil (pour les sociétés civiles) et L210-6 du Code de commerce (pour les sociétés commerciales) prévoient qu'une société qui n'est pas encore immatriculée peut accomplir des actes pendant sa phase de formation, sous réserve que ces actes soient accomplis non pas par la société elle-même, mais par une personne dotée de la personnalité juridique qui agit au nom et pour le compte de la société en formation. En pratique, ce sont les futurs dirigeants ou les associés fondateurs qui vont endosser ce rôle et nouer les premières relations contractuelles de la société.


Ces personnes qui agissent au nom et pour le compte de la société en formation avant qu'elle n'acquiert la personnalité juridique seront tenus responsables des actes ainsi accomplis, sauf reprise postérieure par la société.

Cette reprise peut se faire selon 3 modalités :

  1. Pour les actes conclus avant la signature des statuts: Par l'annexation aux statuts d'un état des actes accomplis pour le compte de la société en formation avec indication, pour chacun des actes, des obligations qui en résultent.

  2. Pour les actes conclus entre la signature des statuts et l'immatriculation de la société: Par la conclusion d'un mandat donné par les associés à l'un ou plusieurs d'entre eux, ou au gérant non associé, et déterminant, dans leur nature ainsi que dans leurs modalités, les engagements à prendre.

  3. Après l'immatriculation: Par une décision de ratification prise, sauf clause contraire des statuts, à la majorité ("la reprise balai").

Alors que se passe-t-il lorsqu’une société, bien que non encore immatriculée, est elle-même la signataire d'un contrat, sans précision de l'intervention d'un tiers agissant en son nom et pour son compte ?

Dans un arrêt publié en date du 10 février 2021 (Cass. com. 10 février 2021, n°19-10.006), la Cour de cassation rappelle la solution constante en pareil cas: l'absence de référence expresse à l'intervention au nom et pour le compte d'une société en cours de formation emporte la nullité de l'acte et partant, l'impossibilité d'agir personnellement contre son signataire.


Bien que la solution ne soit pas nouvelle, la précision apportée par la Cour de cassation est intéressante: cette solution s'applique quand bien même l'acte préciserait que la société était en cours d'immatriculation et représentée par son futur dirigeant.

Les faits dans cette espèce étaient les suivants: le futur gérant et associé unique d'une EURL avait contracté avec un tiers, au nom de la société, le contrat litigieux mentionnant qu'il était conclu "par la société (...) en cours d'immatriculation, représentée par son gérant".

Une fois immatriculée, la société a fait face à des difficultés financières insurmontables, lesquelles l'ont conduite quelques mois plus tard à la liquidation judiciaire.


Privé de son action contre la société liquidée, le cocontractant a cherché à se retourner contre l'ancien gérant pour lui faire supporter le coût de l'exécution du contrat, en estimant que ce dernier avait agi au nom et pour le compte de la société en formation et qu'il était donc engagé par les actes ainsi accomplis.

Toutefois, cette argumentation n’a pas résisté à l'analyse des juges du fond, dont le raisonnement a été validé par la Cour de cassation dans une décision particulièrement motivée:


"Pour être fondée à agir à l’encontre de l’associé de la société [...], la société Coop Atlantique doit démontrer que celui-ci avait contracté pour le compte de la société en cours de formation. L’arrêt retient qu’à la lecture des contrats, il apparaît que le co-contractant de la société Coop Atlantique est la société [...], en cours d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, représentée par son gérant M. F... , ce dont il déduit que ce n’est pas ce dernier qui a agi pour le compte de la société en sa qualité d’associé ou de gérant mais la société elle même, peu important qu’il ait été indiqué que celle-ci était en cours d’immatriculation, cette précision ne modifiant en rien l’indication de la société elle-même comme partie contractante. En l’état de ces motifs, et dès lors que les contrats conclus par une société non immatriculée, donc dépourvue de personnalité juridique, sont nuls, la cour d’appel a exactement retenu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, que M. F... ne pouvait être tenu des obligations résultant des contrats litigieux".

Cette solution mérite d'être rappelée tant les conséquences sont importantes pour le cocontractant qui s’expose à la nullité de l’acte (v. à ce sujet également : Cass. com. 21 février 2012 n°10-27630; Cass. com. 13 nov. 2013, n°12-26158).

Il ne suffira donc pas d’indiquer que la société contractante est en cours d’immatriculation, ou encore qu’elle est représentée par son dirigeant. Seule la mention selon laquelle le contrat est conclu « Par Monsieur X ou Madame X agissant au nom et pour le compte de la société Y en cours de formation / en cours d'immatriculation » est valable et permettra d'assurer au contrat son efficacité pleine et entière.


Prudence, donc, au respect du formalisme lorsque vous contractez avec une société en cours de formation.

 

Pour des informations complémentaires, n'hésitez pas à nous contacter.

Manon FRANCISPILLAI (mf@primo-avocats.fr)



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