PRIMO Avocats revient sur la notion de "simple négligence" qui permet à un dirigeant assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif d'échapper à sa condamnation, ou à tout le moins de la limiter.
Il n'est pas rare, lorsqu'une société fait l'objet d'une liquidation judiciaire, que la responsabilité des dirigeants soit recherchée sur le fondement de l'insuffisance d'actif.
En effet, l'article L651-2 du Code de commerce permet de faire supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif au dirigeant de droit ou de fait de la personne morale, si ce dernier a commis une faute de gestion.
Cette faute, qui doit être démontrée et dont le lien de causalité avec le préjudice doit être rapporté, ne doit pas être confondue avec la simple négligence du dirigeant.
La loi n°2016-1961 du 9 décembre 2016 dite "Sapin II" a modifié l'article L651-2 du code de commerce pour écarter la responsabilité pour insuffisance d'actif en cas de simple négligence du dirigeant ("toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée").
Dès lors, nombre de dirigeants ont tenté de faire valoir qu'ils n'avaient pas eu un comportement fautif, mais qu'ils avaient été simplement négligents dans la gestion de leur entreprise et qu'ils ne pouvaient donc pas voir leur responsabilité engagée.
La frontière entre faute de gestion et négligence peut être difficile à délimiter.
A ce sujet, la Cour de cassation a rendu un arrêt le 3 février 2021 (Cass. com. 3 février 2021, n°19-20.004) sur lequel il mérite de s'attarder.
Dans cette affaire, un mandataire judiciaire avait recherché la responsabilité de dirigeants d'une société au titre de l'insuffisance d'actif de la société qu'ils avaient dirigée.
L'une des fautes reprochées aux dirigeants était assez classique: l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours.
Le mandataire s'appuyait sur le fait que l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal ne pouvait constituer une simple négligence du dirigeant.
La Cour de cassation rejette toutefois cette analyse.
La Haute juridiction relève que la simple négligence, qui permet de faire obstacle à l'action du liquidateur, ne peut être réduite à la seule situation dans laquelle "le dirigeant a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission".
Autrement dit, le dirigeant qui a omis de déposer le bilan peut savoir que sa société est en état de cessation des paiements mais être tout de même qualifié de simple dirigeant négligent et échapper ainsi à toute condamnation.
Cette solution peut paraître surprenante puisqu'à notre connaissance, l'omission de déclaration de cessation des paiements était jusqu'alors analysée par la jurisprudence comme une faute de gestion et non comme une simple négligence.
Reste que les juges du fond bénéficient d'un pouvoir d'appréciation souverain pour qualifier la faute, et il n'est pas dit que cet arrêt puisse constituer un véritable revirement de jurisprudence.
En pratique, c'est très certainement la bonne foi du dirigeant qui permettra de distinguer faute de gestion et simple négligence.
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Manon FRANCISPILLAI - mf@primo-avocats.fr - 01 89 16 54 74
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